Si vous ne le saviez pas déjà, vous allez découvrir deux choses importantes : d’une part, le savon de Marseille est un produit formidable de simplicité et d’efficacité, que ce soit pour un usage cosmétique ou pour concocter des produits ménagers. Et d’autre part, fort malheureusement, la quasi totalité des savons de Marseille sur le marché sont des faux, de pâles imitations qui n’ont plus rien à voir avec le savon de Marseille traditionnel. Mais pas de panique, vous allez enfin tout savoir sur les différentes marques de savon de Marseille et sur leurs nombreux produits, pas tous recommandables, et vous pourrez trouver, en lisant ces lignes, le savon de Marseille qui vous convient le mieux – et celui qui ressemble le plus au savon de Marseille des origines. Ce guide d’achat n’est pas né du hasard : en avril 2015, j’ai raconté dans un premier article ma quête d’un vrai savon de Marseille, article lui-même issu d’une recherche d’un produit plus naturel et plus écologique que le gel douche et le gel lavant pour les mains que j’utilisais jusqu’alors. Je me suis rendu compte au final que cette quête d’un vrai savon de Marseille est pour ainsi dire impossible et que beaucoup d’entre vous ont également vécu cette recherche infructueuse.
Ce premier article a reçu à ce jour plus de 180 commentaires, et il a été vu par plus de 60000 personnes, avec un temps moyen sur la page de 8 minutes – en clair, le vrai savon de Marseille est un sujet qui intéresse beaucoup de monde, à commencer par les consommateurs soucieux d’utiliser des produits cosmétiques plus sains, plus naturels, non toxiques et non polluants. Vous avez été nombreux a me demander quel était, à l’issue de mes recherches, le savon de Marseille le plus recommandable. Je ne voulais pas vous livrer une réponse à la légère. Depuis l’année dernière, j’ai évidemment beaucoup appris sur ce produit, mais j’ai aussi enquêté : j’ai envoyé un questionnaire à plus de 25 marques qui produisent et/ou vendent du savon de Marseille, afin de pouvoir vous informer de la façon la plus complète et précise possible. Evidemment, toutes ne m’ont pas répondu, et certaines m’ont même claqué la porte au nez – vous comprendrez pourquoi en lisant ce qui suit.
Comme vous allez le découvrir, l’univers du savon de Marseille est plein de surprises : entre des industriels qui font du grand n’importe quoi à très grande échelle et sans aucune éthique, des savonneries qui tentent de perpétuer la tradition mais parfois au prix de quelques compromissions, et une seule petite entreprise qui arrive aujourd’hui encore à produire du VRAI savon de Marseille (loin de Marseille !), on ne s’ennuie pas.
Avant de découvrir les savons de Marseille conseillés ou à éviter selon les critères du Curionaute, je me permets de vous rappeler…
Les nombreux avantages du savon de Marseille :
– Le savon de Marseille, c’est simple, efficace et pas cher.
Le savon de Marseille est issu du mélange de deux ingrédients, de l’huile et de la soude, cuits dans un chaudron pendant plusieurs jours. De l’eau salée est également utilisée pour le lavage, mais elle n’entre pas à proprement parler dans la composition. A comparer aux produits cosmétiques actuels, qui affichent souvent des listes de 15 à 30 ingrédients, dont certains sont toxiques, polluants, allergènes ou tout simplement superflus (à commencer par les parfums de synthèse)… Et un cube de savon de Marseille payé en moyenne 5 € durera plusieurs semaines à plusieurs mois selon l’usage que vous en ferez. Comparez avec le coût des produits cosmétiques et ménagers, vous serez surpris(e) !
– Le savon de Marseille, c‘est écologique.
Non polluant, le savon de Marseille est biodégradable. Côté ingrédients, l’huile d’olive utilisée par tous les producteurs est issue des grignons, les résidus de la première pression à froid, qui donne l’huile à usage alimentaire. La soude (hydroxyde de sodium) utilisée est le plus souvent obtenue par électrolyse de saumure (de l’eau salée), un procédé peu polluant qui consomme seulement de l’énergie électrique – mais l’industrie de la soude utilise encore parfois des électrodes en mercure, un métal lourd très polluant. Par ailleurs l’huile de coprah et (surtout) l’huile de palme encore trop souvent utilisées engendrent trop souvent des désastres écologiques, avec des conséquences graves sur la flore et la faune locales. La filière des producteurs de savon de Marseille a donc devant elle une marge de progrès à exploiter, même si elle justifie l’usage de ces huiles par le fait qu’elles sont employées depuis le 19ème siècle à Marseille pour certains savons – d’abord pour des tests à petite échelle, puis de plus en plus intégrées à la recette. Sauf qu’à l’époque, production d’huile de palme ne rimait pas avec déforestation, massacre d’espèces animales et expropriation de populations locales. Et que la recette originelle, régie par l’édit de Colbert en 1688, mentionnait bel et bien l’huile d’olive, et rien d’autre. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que la fabrication requiert de grandes quantités d’énergie (pour maintenir les chaudrons à la bonne température) et d’eau (pour laver les savons, lors du relargage puis de la liquidation).
– Le savon de Marseille, c’est durable et polyvalent.
Un savon de Marseille peut être stocké pendant des mois (pour ne pas dire des années) sans subir de dégradation ni perdre ses propriétés, et le tout sans adjonction de conservateur, d’antioxydant ou de stabilisant. Votre gel douche et vos produits d’entretien ménager ne peuvent pas en dire autant. Et ça tombe bien, car le savon de Marseille peut tous les remplacer. Chez moi, le savon de Marseille a remplacé le gel douche, le gel lavant pour les mains (à proscrire absolument, comme je l’expliquais ici), le shampoing, le nettoyant ménager multi-usages, et, si je ne m’en sers pas encore pour la lessive, je l’utilise dans une recette maison de produit vaisselle. Attention toutefois, si le savon de Marseille semble idéal pour de nombreux usages, il n’est pas parfait pour autant : assez décapant, il ne conviendra pas aux peaux les plus sèches et/ou sensibles, et je le déconseille en particulier pour la toilette du visage. Ou alors, prévoyez ce qu’il faut derrière pour hydrater et protéger votre épiderme…
Et les autres savons ?
Certains d’entre vous ont souligné dans les commentaires de l’article précédent l’existence de savons issus de la saponification à froid (SAF), un procédé qui présente en effet de nombreux avantages : il est même possible, en étant précautionneux et avec un minimum d’équipement, de les fabriquer chez soi. Ils sont plus doux pour la peau que le savon de Marseille, parce qu’ils sont souvent surgras (une huile ou un beurre est ajouté à l’issue du processus de saponification) et parce qu’ils contiennent de la glycérine, obtenue au cours de la saponification mais retirée quasi-intégralement lors de la fabrication du savon de Marseille. Cette glycérine, douce pour la peau, rend les savons issus d’une SAF impropres à un usage ménager (liquide vaisselle, lessive). Par ailleurs, ces savons se conservent moins bien, et sont souvent beaucoup plus chers. Mais des centaines d’artisans les proposent, et pour un usage cosmétique, ils constituent une alternative tout à fait recommandable.
Le savon d’Alep, proche du savon de Marseille dans ses ingrédients (il contient également de l’huile de baie de laurier) et dans sa fabrication est également plébiscité par de nombreux consommateurs et consommatrices, mais son actualité est liée au drame qui se joue actuellement en Syrie, et la production a évidemment périclité, la guerre civile ayant détruit la ville et ses savonneries – et vous comprendrez que la population locale est aujourd’hui plus préoccupée par sa survie que par la production de savon. Vous pourrez quand même trouver des savons d’Alep, parfois de grande qualité… mais pas forcément fabriqués à Alep, du coup.
Comment reconnaître un savon de Marseille :
Comme je le rappelais dans mon premier article, le savon de Marseille ne bénéficie pas d’une protection (ni AOC, ni IGP). Pour qu’un savon puisse être appelé savon de Marseille, la loi n’impose qu’une seule chose : le procédé de fabrication, qui inclut notamment une cuisson au chaudron et un retrait de la glycérine. La seule réglementation en vigueur est très laxiste. Mise en place en 2003 par la DGCCRF, elle permet d’utiliser des graisses animales ou des bondillons (c’est-à-dire du savon en copeaux ou en billes) le plus souvent produits en Asie du sud-est, et qu’il suffit ensuite de chauffer et de mouler à la forme et aux dimensions voulues. Pour tenter de protéger le savon de Marseille, les professionnels les plus respectables du secteur ont déposé fin 2015 une demande d’homologation de l’IGP (indication géographique protégée) auprès de l’INPI. Le dossier est pour l’instant à l’étude, et la phase d’enquête publique est désormais clôturée.
Un savon de Marseille peut donc légalement être fabriqué en Asie, avec des ingrédients qui peuvent venir de n’importe où, et dont la nature et la qualité ne répondent à aucune exigence réglementaire. Le suif (c’est à dire la graisse animale) est même autorisé en remplacement de l’huile d’olive, et les industriels ne se privent hélas pas d’en abuser. Assez triste, hein ?
Mais pas de panique, voici quelques astuces pour reconnaître un véritable savon de Marseille :
– Il est cubique, et chacune de ses faces est estampillée. Evidemment, c’est une tradition qui n’influe pas sur la qualité du produit, mais c’est ce qui fait tout le charme du produit ! Notez que le savon de Marseille est aussi parfois vendu sous la forme de barre (de 1 à 3 kg) ou de pain de plus d’une dizaine de kilos.
– Il est fabriqué exclusivement à base de soude et d’huile végétales (de l’huile d’olive uniquement dans la recette originelle, mais aujourd’hui souvent additionnée d’huile de coprah, voire d’huile de palme). Il est cuit au chaudron à plus de 100° pendant plusieurs jours, et contient au moins 72 % d’huile(s), le reste étant de l’eau sous la forme d’humidité dans le savon, humidité qui tend à s’évaporer lors du séchage, qui se poursuit même une fois que vous avez acheté le savon.
– Il ne contient ni conservateur, ni colorant, ni parfum. De ce fait, il dégage une odeur particulière, parfois assez forte et pas toujours agréable pour un nez habitué aux produits de l’industrie cosmétique. Il suffit de laisser sécher le savon dans une pièce sèche et tempérée (ou au grand air en été) pour qu’il sèche, durcisse et perde une partie de cette odeur qui, à défaut d’être plaisante, est parfaitement naturelle.
– Sa couleur varie entre le vert pâle et le brun. Il peut être vert olive, vert clair… La couleur varie entre les marques, mais aussi entre les savons d’une même marque. Une même référence de savon dans une même marque et une même gamme peut présenter de forte variations de couleur, qui sont tout à fait normales : la couleur n’est pas régulée à l’aide de colorants comme pour les cosmétiques industriels, et elle varie en fonction des huiles employées (origine, nature et proportion), qui peuvent varier tout au long de l’année.
Les ingrédients d’un vrai savon de Marseille
Comme je l’ai déjà expliqué dans l’article sur le gel lavant, les ingrédients résiduels qui composent un produit cosmétique répondent à la nomenclature de l’INCI, qui mêle anglais et latin et se révèle de fait particulièrement ardue à décrypter pour les profanes que nous sommes pour la plupart. Voici les composants de la plupart des savons de Marseille sur le marché, et leur « traduction » en bon vieux français. Cela vous permettra également de décrypter facilement le guide d’achat ci-dessous.
Les ingrédients qui sont à leur place
Sodium olivate : de l’huile d’olive saponifiée. Dans tous les cas évoqués ci-dessous, l’huile utilisée est issue des grignons, c’est-à-dire issue de la deuxième pression, la première pression donnant une huile aujourd’hui réservée à un usage alimentaire.
Aqua : eau. Sa masse dans le produit fini ne peut excéder 28 %, et sa proportion diminue évidemment au fur et à mesure que le savon est mis à sécher.
Les ingrédients à leur place sous forme de trace
Issus de la saponification et du lavage, ces ingrédients peuvent être présents sous la forme de résidus en quantités modestes (0,2 à 0,5 % de la masse du produit fini), et sont donc le cas échéant mentionnés à la fin de la liste INCI des composants du savon de Marseille. Il s’agit de :
– Sodium hydroxide : connue vulgairement sous le nom de soude caustique, c’est avec l’huile le second composant essentiel au savon de Marseille puisque sans soude, pas de saponification, et sans saponification, pas de savon ! Très corrosive, la soude ne doit pas être présente dans un savon de Marseille autrement que sous la forme de traces infimes.
– Sodium chloride : c’est du sel, tout simplement. L’eau salée utilisée pour laver le savon de Marseille lors de la fabrication peut laisser d’infimes résidus de sel dans le produit fini.
– Glycerin : la glycérine, présente dans la plupart des savon du marché (qu’ils soient industriels ou issus d’un artisan qui pratique la saponification à froid) est en revanche retirée lors de la fabrication du savon de Marseille. Il peut en subsister naturellement en petites proportions, ce qui explique la mention de ce composé sur l’emballage de certains savons de Marseille.
L’ingrédient « bonus » acceptable
Sodium cocoate : de l’huile de coprah saponifiée (le coprah désignant la chair de noix de coco). L’huile de coprah permet d’obtenir un savon plus moussant et qui durcit plus vite. Elle n’est évidemment pas indispensable, mais rend la fabrication plus facile et rapide, et s’il fallait l’exclure de ce guide d’achat, il ne me resterait plus qu’un seul savon de Marseille à vous recommander…
Les ingrédients à éviter
Sodium palmate : de l’huile de palme saponifiée. Très appréciée des industriels, elle permet d’avoir un savon plus blanc, et surtout plus dur beaucoup plus rapidement qu’avec l’huile d’olive. Elle n’est pas mauvaise pour la peau, mais elle est responsable de désastres environnementaux et sociaux, notamment dans les pays d’Asie du Sud-Est, et je ne peux considérer qu’un produit comme le savon de Marseille, qui se veut écologique et de tradition locale, use d’une huile responsable à l’autre bout de la planète de déforestation massive et qui menace la survie d’espèces animales – même lorsqu’il s’agit d’huile de palme dite durable, car le certificat RSPO créé avant tout par et pour les multinationales des cosmétiques et de l’agro-alimentaire engage avant tout ceux qui veulent bien lui accorder de la valeur, et même s’il a permis des progrès, il ne permet pas à ce jour de lutter efficacement contre les fléaux engendrés par la culture de l’huile de palme (la lecture sur le sujet est très abondante mais pour faire vite, vous pouvez consulter cet article du Monde, ou encore celui-ci).
Sodium tallowate : de la graisse de boeuf saponifiée. Exclue par les artisans, la graisse animale reste à la base de la majorité des savons industriels (qu’ils soient de Marseille ou sans mention spécifique) – jetez un œil sur les étiquettes lors de votre prochaine visite dans une grande surface, vous serez horrifiés par vos découvertes.
Et tout les autres : les parfums, les colorants, les antioxydants, les stabilisants et les conservateurs en tous genres sont autant d’ingrédients absolument inutiles dans un savon de Marseille mais que les industriels se font un plaisir d’ajouter à leur produit pour en faciliter la fabrication et le stockage, pour abaisser au maximum les coûts de production et pour harmoniser tristement toute leur production. Ce qui est bien triste : j’ai trois cubes différents issu de la savonnerie Marius Fabre (une bonne adresse, comme vous allez le découvrir) : pas un n’a la même teinte que l’autre. Non seulement c’est normal, mais c’est la marque d’un produit qui est fabriqué avec des ingrédients naturels évoluant au fil des saisons, et que la marque n’a pas chercher à maquiller inutilement.
En résumé : le guide d’achat du Savon de Marseille
Si vous n’avez pas envie, pas le temps ou pas le courage de lire tout ce qui suit, mais que vous voulez quand même savoir quel savon de Marseille est recommandable, voici un petit résumé de mes conclusions :
– Le meilleur savon de Marseille, ou en tous cas celui qui respecte le plus la méthode de fabrication originelle, les ingrédients traditionnels et le long temps de séchage à l’air libre est celui produit en Ile -de-France (sacrilège, je sais…) par Alepia. Il est cher, mais c’est le prix à payer pour un produit noble qui ne fait aucun compromis.
– Le savon qui représente le meilleur compromis entre qualité, recette traditionnelle et prix contenu est celui proposé par les savonneries traditionnelles de Marseille, aujourd’hui membres de l’UPSM (L’Union des Professionnels du Savon de Marseille). Il s’agit de la savonnerie Fer à Cheval, de Marius Fabre et de la Corvette, la marque artisanale de la savonnerie du Midi (ainsi que la savonnerie Le Sérail, pour l’instant exclue de mon classement pour des raisons que vous découvrirez ci-après). Ces savonneries font globalement du bon travail, et leur seule entorse à la recette originelle est l’ajout d’huile de coprah, qui permet d’obtenir un savon qui durcit plus vite et plus facilement, et qui produit plus de mousse. Hélas, elles proposent également du savon et des copeaux/paillettes de savon de Marseille avec de l’huile de palme, mais elle a de plus en plus tendance à disparaître de leur offre, face au rejet d’un nombre croissant de consommateurs.
– Pour faire simple et rapide, je vous conseille d’éviter toutes les autres marques et tous les autres produits, et notamment des savons de Marseille industriels, des savons pseudo-artisanaux ou des savons de Marseille sans marque, vendus tels quels sur les marchés ou sous cellophane en grande surface, et dont la composition et l’origine des ingrédients restent souvent incertains.
Notez qu’une pétition est en cours sur internet pour faire appliquer une réglementation plus stricte. Elle défend la création d’une IGP rigoureuse pour la défense du savon de Marseille traditionnel. Je ne peux que vous inciter à lire le texte de cette pétition (il suffit de cliquer ici) et, à la signer si vous êtes d’accord avec ses principes.
Le guide d’achat du savon de Marseille :
J’ai décidé d’évoquer et de juger avant tout les savons qui contiennent de l’huile d’olive et de coprah, mais sans exclure pour autant de ce guide ceux qui contiennent de l’huile de palme (partiellement ou totalement) et qui constituent hélas l’immense majorité du marché du savon de Marseille, qui représente chaque année plusieurs dizaines de milliers de tonnes. Il me paraît important que vous soyez informé de ce que les entreprises les moins scrupuleuses osent proposer sur le marché.
Le savon de Marseille choisi par Le Curionaute
C’est évidemment une surprise, et ce résultat fera hurler les Marseillais : le meilleur savon de Marseille sur le marché, et à vrai dire le seul qui respecte à la fois la méthode de fabrication traditionnelle, les ingrédients originels et le séchage à l’air libre pendant de long mois est produit… en Ile-de-France ! Une entorse géographique, certes, mais il me paraît important de mettre en avant la démarche d’Alepia, une marque par ailleurs spécialisée en premier lieu, comme son nom l’indique, dans le savon d’Alep.
Alepia
Site : www.alepia.comSamir Constantini, fondateur et patron de la marque Alepia, explique que « notre savon de Marseille a cette particularité qu’il est fidèle au savon de Marseille des origines. Il est tel qu’il était fabriqué dans l’antiquité, il y a 5 siècles. Soit 100% huile d’Olive. Il était fabriqué comme son ancêtre, le savon d’Alep dont la formule avait été rapportée par les croisés à leur retour de la Terre sainte. Ce qui lui avait donné une réputation de qualité dans toute la France mais aussi à l’international. Hélas, le savon de Marseille a été dénaturé depuis le XXe siècle, et le savon que l’on trouve dans le commerce n’est plus fait avec de l’huile d’olive. Au mieux, il contient de l’huile d’olive mélangée avec d’autres huiles bon marché comme l’huile de palme, désormais employée majoritairement dans le savon de Marseille ». Un bon résumé, en effet ! Et c’est ce qui explique qu’Alepia est aujourd’hui l’une des très rares entreprises à proposer un savon de Marseille qui respecte la recette originelle, qui n’utilisait que de l’huile d’olive et de la soude.
Composition : Sodium olivate (80%), aqua (20%), sodium hydroxide (0.2%). De l’huile d’olive saponifiée, de l’eau et des traces résiduelles de soude. Tout bon !
Fabrication : A Santeny, sur le plateau Briard, dans le Val-de-Marne (94). La méthode est la saponification à chaud traditionnelle, au chaudron.
Séchage : Samir Constantini précise que « les savons sont séchés lentement et pendant 4 mois dans une pièce fermée pour un affinage optimal ».
Origine des ingrédients : Espagne pour l’huile d’olive, et France pour la soude extraite de sel marin.
Prix au kg : 36 €, puisque le cube de 250 g s’affiche à 9 €.
Quantités de savon de Marseille produites par Alepia : 10 tonnes en moyenne par an, ce qui est très peu (cela représente moins de 40 kg par jour ouvré). Pour ce qui concerne le contrôle de la qualité des produits, Samir Constantini précise que « Notre laboratoire qualité contrôle scrupuleusement les analyses et fiches techniques des produits, selon les exigences du référentiel BPF (Bonnes pratiques de fabrication – ndr) »
La marque Alepia propose également des savons d’Alep, du savon noir, des cosmétiques, de la pierre d’alun, des accessoires…
L’entreprise Alepia compte aujourd’hui 25 salariés, et Samir Constantini m’a confié au mois de juillet 2016, au sujet de l’avenir de l’entreprise : « nous commençons le savon de Marseille liquide, le savon de Marseille parfumé à la verveine, lavandin, menthe-citon, orange (etc.), et le savon de Marseille bio. Nous avons une boutique en propre à Angers, mais aussi une franchise à Varsovie et à Urumki (Chine), nous vendons aux pharmacies, para-pharmacies et magasins bio. Nous vendons également sur Internet. Nous venons de doubler notre production, et prévoyons encore un doublement d’ici octobre 2016. Nous avons également en projet de faire un savon de Marseille bio avec de l’huile de première pression et certifiée bio ». Evidemment, si je ne peux cautionner la production de savons de Marseille parfumés (c’est contre la tradition !), les autres projets sont intéressants. Je vous invite par ailleurs à jeter un oeil sur la gamme de savons d’Alep de la marque, très intéressante.
LE TEST ET L’AVIS DU CURIONAUTE
Le savon de Marseille produit par Alepia est une excellente surprise. La marque m’a fait parvenir un échantillon (un cube de 250g, tel que proposé sur son site internet). La plupart des savonniers m’ont expliqué qu’il était impossible, ou du moins très difficile, de faire un savon de Marseille avec pour seule huile celle issue des olives, et qu’un savon de ce type produirait trop peu de mousse pour une clientèle désormais (mal) habituée par l’industrie cosmétique à une mousse abondante. Le savon de Marseille d’Alepia qui m’a été livré est parfaitement sec, bien ferme, et il dégage une odeur douce, suave, agréable et discrète. Sa forme témoigne d’un séchage lent, comme le savon d’Alep qui sèche lui aussi pendant plusieurs mois et qui se déforme peu à peu en perdant son humidité. Odeur qui ne persiste pas du tout sur la peau, soit dit en passant. Et il génère une mousse, certes fine, légère et moins abondante qu’avec un savon qui contient de l’huile de coprah, mais tout à fait satisfaisante. D’une couleur vert pâle, il révèle un coeur vert olive, foncé, qui contraste avec la teinte légère de sa robe extérieure – un peu à la manière d’un savon d’Alep traditionnel. Ce savon est pour moi une très belle découverte, et c’est un produit que je ne peux que conseiller, en dépit d’un tarif élevé mais qui se justifie pleinement par le soin apporté à sa fabrication.
Les savons de Marseille recommandés
Il reste quatre grandes savonneries traditionnelles à Marseille et dans sa région. Toutes respectent la méthode originelle de fabrication, mais aucune ne se contente d’huile d’olive. Leurs savons mixent huile d’olive et de coprah dans le meilleur des cas, huile d’olive, de coprah et de palme pour certains savons (qui ont tendance à disparaître), et huile de palme et de coprah pour les savons blancs, destinés au linge et à un usage ménager. Je n’évoquerai pas ces derniers, et je vous encourage à acheter avant tout des savons qui respectent les ingrédients du véritable savon de Marseille, et à laisser de côté ceux qui contiennent de l’huile de palme, parfaitement dispensable.
Les trois marques recommandées ici sont toutes membres de l’UPSM, qui a mis en place un label (uniquement commercial, il n’a aucune valeur légale) pour défendre le savon de Marseille traditionnel.
Marius Fabre
Site : www.marius-fabre.com
Composition : Sodium olivate, sodium cocoate, aqua, glycerin, sodium chloride, sodium hydroxide.
Laurence Clavier, la responsable de la communication de Marius Fabre précise que concernant l’huile, « c’est à 70 % de l’huile d’olive, et à 30 % de l’huile de coprah. La glycérine n’est présente que sous la forme de traces, mais la réglementation impose de mentionner tous les composants, même s’il sont présents en très petite quantité« .
Fabrication : Le savon Marius Fabre est fabriqué selon le procédé traditionnel, avec une cuisson des ingrédients dans un gigantesque chaudron, qui se poursuit pendant 10 à 12 jours. « Nos savons passent par une étape bondillons pour la fabrication de savonnettes à base de savon de Marseille. Mais nous fabriquons évidemment nous-même ces bondillons, avec des huiles et de la soude, dans notre savonnerie de Salon-de-Provence », explique mon interlocutrice, dans un louable souci de transparence. Cette étape bondillons ne pose aucun problème puisqu’ils sont fabriqués sur place, dans le respect de la tradition (si l’on excepte l’usage d’huile de coprah…). Vous pouvez d’ailleurs retrouver sur le site de la marque une page sur l’histoire de Marius Fabre, et une autre sur le détail du processus de fabrication traditionnel en vigueur dans la savonnerie Marius Fabre.
Séchage : « Le savon est coulé à même le sol dans de vastes mises (des moules géants – ndr), nous ouvrons ensuite les fenêtres et le savon y sèche naturellement pendants 2 à 3 jours. Il est ensuite coupé en pains de plus de 30 kg, puis découpé en barres et en cubes, et il sèche à nouveau sur des canisses, souvent pendant plusieurs semaines, avant d’être mis en vente ».
Origine des ingrédients : « Notre huile d’olive est issue du bassin méditerranéen : nous nous fournissons en Italie, Grèce et Espagne. La France ne produit aujourd’hui plus suffisamment d’huile de grignons d’olive, mais si cette production augmentait et suffisait à nos besoins, nous pourrions envisager de nous fournir sur le marché français. Par ailleurs, nous utilisons du sel de Camargue, et notre soude est également produite en France ».
Prix au kg : de 8,30 € (cube de 600 g sans étui) à 42,5 € (mini savon de 40 g).
Quantités produites : Marius Fabre fabrique environ 1000 tonnes par an (tous types confondus : savon de Marseille, savonnettes…)
La marque Marius Fabre propose également de nombreux autres produits ménagers et cosmétiques : savonnettes parfumées, savon liquide, savon noir (à l’huile d’olive ! J’aurai d’ailleurs l’occasion de vous en reparler), coffrets cadeau, accessoires…
L’entreprise Marius Fabre compte une trentaine de salariés, dont deux maîtres savonniers (Un pour le savon de Marseille solide et un pour le savon noir). Quant aux projets de développement, Laurence Clavier explique que l’entreprise « travaille sur les copeaux et ses usages. Nous avons une machine qui date d’après-guerre et qui donne à nos copeaux une forme unique sur le marché. Nous envisageons notamment un liquide vaisselle à base de copeaux de savon de Marseille. Nous éditons également des savons collectors, comme le savon « Nostradamus » que nous avons récemment réalisé pour la ville de Salon-de-Provence. Nous personnalisons également des savons pour les entreprises, ou pour les événements, comme les mariages ». Il manque à cette liste un savon sans palme ni coprah : je ne doute pas que Marius Fabre soit un jour capable de produire un tel savon, même en petites quantités et sur un positionnement plus haut de gamme, et donc plus cher, sans pour autant mettre de côté le reste de la gamme. Je serais le premier client.
LE TEST ET L’AVIS DU CURIONAUTE
Marius Fabre m’a fait parvenir plusieurs produits de sa gamme (j’aurai l’occasion de vous en reparler), dont des cubes de savon de Marseille olive/coprah… que je connaissais déjà puisque j’en avais commandé 3, après ma première commande à la savonnerie Fer à Cheval et alors que je cherchais un savon de Marseille idéal. Chez Marius Fabre, je recommande en particulier le cube de savon de Marseille de 600 grammes sans étui. Pour plusieurs raisons : il présente un rapport poids/prix très intéressant, et même s’il est assez gros il reste facile à trancher en portions plus petites (avec un gros couteau), et de surcroît il est livré sans emballage : sur un plan écologique, c’est encore mieux puisque le savon de Marseille n’est pas un produit fragile, et n’a absolument pas besoin d’emballage ! Pour ce qui est du test, c’est mon deuxième savon préféré après celui d’Alepia : sa teinte est variable, du vert clair au vert foncé, mais quelle que soit sa teinte son odeur est toujours assez forte – quand on colle son nez près du savon, mais il ne va pas jusqu’à parfumer une pièce toute entière ! Doux à l’usage, il produit rapidement une mousse assez importante, et se rince facilement. Son odeur sur la peau après le lavage reste présente, mais discrète. Par ailleurs, il est ferme et sèche bien à l’air libre. Il s’use très doucement, et ça fait plusieurs mois que j’utilise le même cube de 400g, qui arrive toutefois en fin de vie.
Le Fer à Cheval
Site : www.savon-de-marseille-boutique.com
Comme vous le savez déjà, ma relation avec le Fer à Cheval est partie sur de mauvaises bases : déçu par le manque de transparence du site, et par des descriptifs trompeurs, j’avais exprimé ma colère dans mon premier article. Depuis, le repreneur de la savonnerie, Raphaël Seghin, m’a écrit et, surtout, il a changé beaucoup de choses : le site internet, qui est désormais plus clair et honnête sur la composition, et les savons, puisqu’il existe désormais dans cette savonnerie une gamme de savons sans huile de palme. Du progrès sur toute la ligne, en somme. Désormais, j’entretiens avec Raphaël Seghin une correspondance épisodique par email qui m’a permis de constater à quel point c’est un homme investi dans son entreprise, passionné par le savon de Marseille, transparent dans sa démarche et tout à fait disposé à entendre la critique et à y réagir rapidement.
Composition : Sodium olivate (environ 60 %), sodium cocoate (environ 25 %), aqua (environ 15 %), chlorure de sodium (moins de 0,6 %), hydrodyde de sodium (moins de 0,2 %).
Raphaël Seghin précise « nous utilisons des huiles de grignons d’olive, pour une raison principale de coût (comme l’intégralité de ses confrères et concurrents, même Alepia – ndr). Nous avons investi dans un petit chaudron de laboratoire pour faire des tests sur des huiles plus nobles, ce qui n’était pas possible, question investissement, sur nos chaudrons de 15 tonnes ».
Fabrication : Raphaël Seghin explique que lui et son équipent fabriquent « directement nos savons selon le procédé marseillais. C’est-à-dire que tous nos savons de Marseille viennent directement de nos chaudrons. Le savon passe par une étape bondillons, car beaucoup de notre chiffre d’affaires vient de la vente de ces bondillons a d’autres savonneries ; mais pour nos propre produits, ils passent ensuite directement dans une machine qui re-compacte le savon et lui donne la forme voulu avant le moulage ». En effet, la savonnerie Fer à Cheval fabrique également du savon de Marseille pour d’autres marques, qui se contentent de conditionner les bondillons pour en faire du savon. Ça n’enlève rien à la qualité du produit, dans la mesure ou les bondillons sont de qualité et issus d’une savonnerie marseillaise.
Séchage : « Nous utilisons deux procédés : le procédé traditionnel par séchage naturel dans des mises pour les blocs de 17 kg, et pour les autres savons et bondillons, un procédé accéléré par pulvérisation du savon issu du chaudron dans une enceinte sous vide », précise Raphaël Seghin. La savonnerie Fer à Cheval utilise donc un atomiseur pour gagner du temps sur l’étape du séchage. L’atomiseur est une grande cuve dans laquelle le savon est pulvérisé à chaud. L’eau qu’il contient s’évapore ainsi rapidement, et le savon déshumidifié ainsi récupéré sèche plus rapidement. Evidemment, cette méthode qui permet un gain de temps substantiel n’a rien à voir avec la méthode traditionnelle. Pour autant, elle ne nuit pas, à ma connaissance, à la qualité du savon, qui conserve dans l’opération ses propriétés.
Origine des ingrédients : « Nos huiles viennent de 4 pays, dépendant du fournisseur : Italie, Grèce, Portugal, Espagne. Notre fournisseur de soude est Kem One, qui fabrique dans les Bouches du Rhône la soude suivant un procédé d’électrolyse au sel, provenant du Gard. Notre Sel vient des Salins du Midi », confie Raphaël Seghin, qui affiche une transparence appréciable sur les ingrédients utilisés par sa savonnerie. Il précise par ailleurs : « nous avons un cahier des charges pour les différentes variétés d’huiles ou acides gras utilisés. Nous validons un échantillon avant de valider le fournisseur. À chaque réception, nous recevons un échantillon et un bulletin d’analyse. Le bulletin d’analyse est contrôlé en interne. De façon ponctuelle nous effectuons des contrôles complémentaires des différents paramètres ».
Prix au kg : de 8 € (barre de 2 kg) à 30 € (cube de 100 g). A noter qu’avec l’imposant bloc de 16,5 kg, le prix au kilogramme tombe à 4,5 € seulement !
Quantités produites par mois / par an : « nous avons sorti 2500 tonnes de savon l’année dernière, et le chiffre d’affaires de la savonnerie était de 2.5 millions d’euros. Par ailleurs, 4 de nos 7 chaudrons sont dédiés au savon à l’huile d’olive (2 autres au savon à l’huile de palme, et le dernier pour notre refonte/détergent/recyclage). Finalement, nous sentons fortement une demande croissante pour cette formule à l’huile d’olive », s’enthousiasme Raphaël Seghin.
La savonnerie Fer à Cheval propose également des savons liquides pour le bain et le corps, du savon noir, de la lessive, du savon de Marseille en copeaux, des accessoires…
Enfin, Raphaël Seghin me précisait en juillet 2016 que la savonnerie compte « 34 salariés au total. 6 travail directement pour la savonnerie (2 maitres savonniers, 4 au conditionnement). Le reste au labo, à la logistique, à la maintenance, aux lessives, au bureau, etc. Concernant les développements à venir pour la marque… Je pourrais vous écrire un roman sur cette question ! En résumé : concernant la gamme Fer à Cheval, j’aimerais en faire notre fer de lance ! Nous avons complètement revu notre marque en misant sur les caractéristique unique de notre société (brut, patrimoine industriel, noble, etc). Nous anticipons de finaliser les 4 gammes de la marque pour fin 2016 (nous sommes en octobre et je confirme que la gamme, que ce soit les produits ou les emballages, a de l’allure ! – ndr). Nous visons également de nouveaux marchés : export, online, revendeurs, boutiques spécialisées. Nous ne sommes pas intéressée par les grandes surfaces ; nous pensons notre savon un produit de qualité qui mérite d’être présenté ainsi. Nous prévoyons également de réaliser des investissements importants sur l’ensemble de la ligne de conditionnement, les chaudrons, le stockage. Enfin, nous allons réaliser des études et la mise en place de nouvelles formules (savon sans palme, meilleurs qualités d’huiles [RSPO], etc) en investissant dans le laboratoire, et nous tenons à signaler que depuis la reprise, nous avons fait faire les tests nécessaires sur nos savons : ils sont reconnus biodégradables et hypoallergéniques ».
Tous ces développements annoncés sont évidemment prometteurs pour l’avenir de la marque et, plus généralement, du savon de Marseille traditionnel puisque cela permettra d’initier une émulation entre les producteurs de la région.
Enfin, Raphaël Seghin conclut : « je tiens finalement a rappeler le contexte. Nous sommes une très vieille usine qui a connu des moments difficiles. Cela fait deux ans que nous mettons tout en œuvre pour pouvoir revendiquer une identité, une méthodologie, une éthique. Cela passe par des énormes investissements en moyens, en hommes et femmes, en systèmes, en rigueur. Il y a encore un long chemin à faire, mais je crois que l’honnêteté, l’engagement et la transparence, plus un appui sur les valeurs uniques de la savonnerie, nous permettrons de pouvoir finalement offrir a nos employés et à nos clients des perspectives positives ».
Vu les progrès réalisés par la marque ces derniers mois, que ce soit sur les produits ou dans la façon de les vendre, j’ai évidemment hâte de voir la matérialisation des développements en cours.
L’AVIS DU CURIONAUTE
Je n’ai pas encore eu l’occasion de tester un savon de Marseille Fer à Cheval issu de la nouvelle gamme, sans huile de palme. Mais sur le papier, vous l’aurez compris, ce produit est très clairement recommandable : ingrédients connus et issus du continent, méthode traditionnelle respectée, louable démarche de transparence… Les savons de la marque s’affichent par ailleurs à un tarif raisonnable – je vous conseille en particulier le cube de 600g olive/coprah, qui affiche un rapport poids/prix très intéressant, et qui présente l’avantage d’être facilement portionnable, comme tout savon de Marseille.
La Corvette (La Savonnerie du Midi)
Site : www.la-corvette.com
Composition : Sodium olivate, sodium cocoate, aqua, sodium chloride, sodium hydroxide.
« L’huile de coprah est en plus faible quantité et permet au savon de mousser. La part des huiles avant cuisson est d’environ 80% », précise Pierre Buillas, responsable export à la Compagnie du midi.
Fabrication : « Nous fabriquons nous mêmes nos savons de Marseille depuis 1894 à Marseille, 72 rue Augustin roux dans le 15ème arrondissement. Nos savons de Marseille sont cuits au chaudron », explique notre interlocuteur.
Séchage : « Aujourd’hui le séchage est quasi instantané car mécanisé. Il n’est plus possible de le couler au sol sinon il faudrait des dizaines de terrains de foot. Le séchage s’effectue dans un atomiseur. A la sortie du chaudron le savon est propulsé à grande vitesse dans une cuve sous pression. Un racleur vient frotter les parois de la cuve pour récupérer le savon », détaille Pierre Buillas. A l’instar de la savonnerie Fer à Cheval, la Savonnerie du Midi a donc recours à un atomiseur, qui permet de débarrasser rapidement le savon produit d’une grande partie de son humidité.
Origine des ingrédients : Les huiles sont issues du bassin méditerranéen – sans plus de précision. Pierre Buillas assure que « notre service qualité procède à des tests notamment sur la teneur en acides gras. »
Prix au kg : de 12,8 € (barre de 900 g) à 34 € (cube de 100g).
Quantités produites par an : La Corvette garde cette donnée confidentielle, mais dans la mesure où le séchage a recourt à une méthode industrielle, les quantités produites par la marque – et plus généralement par la Compagnie du Midi, qui possède la Savonnerie du midi et plusieurs marques de savons et détergents en plus de La Corvette (lancée en 1894 !), dont Maitre Savon qui est distribué en grandes surfaces – sont probablement très importantes.
La Corvette propose également des savons parfumés, des savons liquides, des produits dédiés au linge et la maison, du savon noir, des coffrets cadeau…
Pierre Buillas précise enfin que l’entreprise compte « 68 personnes. Nous venons d’obtenir le label ECOCERT pour assurer aux consommateurs que nos savons sont 100% naturels. Et nous continuons à promouvoir en France et à l’étranger le savon de Marseille sans colorant, sans parfum et cuit au chaudron dans les Bouches-du-Rhône ».
L’AVIS DU CURIONAUTE
Je n’ai pas encore testé le savon de Marseille de La Corvette mais, là encore, sur le papier tout indique que ce savon de Marseille est à privilégier sur la majorité de la concurrence. Même si j’aurais apprécié encore un peu plus de transparence dans la communication – d’ailleurs, la marque Maitre Savon issue du même groupe fait un peu mieux sur le sujet, alors qu’elle est moins artisanale et plus orientée « grandes surfaces ». Dans la gamme La Corvette, j’aurais tendance à recommander le cube de 500 g, qui affiche un rapport poids/prix flatteur.
Maitre Savon de Marseille (La Savonnerie du Midi)
Site : www.maitresavon.fr
Composition : sodium olivate, sodium cocoate, aqua, sodium chloride, sodium hydroxide.
Le service consommateur de la marque m’a précisé que son savon de Marseille « est fabriqué uniquement à partir d’huiles 100% d’origine végétale, sans parfum, sans colorant, sans conservateur ni additif. Nos savons de Marseille sont fabriqués avec 72% minimum d’huile, le reste correspond à l’eau, le sel et la soude ». La « recette type » du savon de Marseille des membres de l’UPSM, en somme. Pas conforme au savon de Marseille originel de l’édit de Colbert, mais bien mieux que tout ce que proposent les industriels du secteur. Et c’est important, car Maitre Savon de Marseille est la marque de la Savonnerie du Midi qui est destinée à la grande distribution : ses produits sont fabriqués en grande quantité et affichés à un tarif raisonnable. Mais sans rogner sur la qualité – à priori, car je n’ai pu obtenir aucune précision sur la répartition huile d’olive/huile de coprah.
Fabrication : « Nos savons sont fabriqués à Marseille selon le procédé Marseillais : technique traditionnelle de fabrication artisanale avec la cuisson en chaudrons », explique le service consommateurs. C’est vrai, puisque ces savons sont produits dans la Savonnerie du Midi, à Marseille, au même titre que les savons de la marque La Corvette.
Origine des ingrédients : « L’huile d’olive provient du bassin méditerranéen (Italie, Grèce et Espagne) », confie le service consommateur. Deux pays limitrophes de la France, et un troisième pas très éloignés, tous trois étant réputés pour la qualité de leur huile. Pas mal.
Prix au kg : NC. (Pas de boutique en ligne, la marque est distribuée en grandes surfaces).
L’AVIS DU CURIONAUTE
C’est le meilleur choix parmi les références disponibles en grandes surfaces, le lieu de distribution préférée de cette marque qui appartient, comme La Corvette, à la Savonnerie du Midi. Une composition qui fait la part belle à l’huile d’olive (dont l’origine géographique est connue, qui plus est), une méthode de fabrication traditionnelle respectée et un tarif très raisonnable (un lecteur a confié avoir trouvé un cube de 300g à moins de 2 €) : même si je n’ai pas encore eu l’occasion de tester les produits de Maître Savon, je pense que vous recommander ses cubes de savon de Marseille olive/coprah (attention, la marque produit également des cubes de savon de Marseille à l’huile de palme).
Les savons de Marseille envisageables
Emma Noël
Site : www.emmanoel.fr
Composition : Sodium olivate, sodium cocoate, aqua (water), sodium chloride, sodium hydroxide.
La responsable du service communication de la marque précise que le savon concerné (car elle propose d’autres variantes de savon de Marseille), le Savon vert de Marseille formulé sans huile de palme 300 g, contient « sur le produit fini environ 76% d’acides gras » et que la proportion est de « 70 % pour l’huile de grignons d’olive, et 30 % pour l’huile de coprah », proportion que l’on retrouve chez la plupart de ses concurrents. En revanche, elle ne m’a pas communiqué l’origine géographique des différents ingrédients.
Fabrication : la porte-parole explique les différentes étapes : « chauffage de l’huile pour obtenir deux fractions (empattage) : les acides gras et la glycérine, élimination des eaux glycérineuses, addition de soude caustique aux acides gras et chauffage pendant 4 à 5 heures (cuisson), lavage à l’eau pour éliminer les traces de soude, lavage à l’eau pour éliminer le sel, addition d’eau au savon pour le rendre fluide, le maître savonnier juge avec la spatule l’instant final où la pâte est devenue neutre (ni acide ni basique), décantation du savon 24 à 36 heures, malaxage de la pâte, repos de la pâte afin qu’elle durcisse, découpe des savons, étuvage pour croûter les faces qui seront estampillées ». La cuisson est donc beaucoup moins longue que dans les savonneries traditionnelles, où elle dure plus de 10 jours, et la marque ne fabrique pas savon elle même : « Nos savons de Marseille sont réalisés par un prestataire car nous ne possédons pas le matériel adéquat à l’Huilerie Emile Noël », précise le service communication, sans en dévoiler le nom ni l’implantation géographique. Ce n’est pas mauvais signe pour autant, mais les Curionautes les plus soucieux resteront sur leur faim ! La porte-parole précise enfin, à juste titre, que « d’un lot à un autre la couleur peut varier légèrement. Le maître savonnier travaille artisanalement et opère sur des matières nobles, vivantes et sujettes à de sensibles variations de teintes ». Je ne peux que confirmer, et ces variations de couleurs sont un gage de qualité, du respect du processus de fabrication et des variations naturelles de la couleur des ingrédients, et donc du savon.
Prix au kg : Non communiqué. Pas de boutique en ligne, mais une liste de revendeurs est disponible en cliquant ici.
L’AVIS DU CURIONAUTE
La recette (ingrédients et méthode) est la même que celle des savons de l’UPSM, que je recommande. En revanche, aucune information sur l’origine des ingrédients, ni sur le sous-traitant qui fabrique ce savon pour la marque. Notez par ailleurs que la cuisson est nettement plus courte que chez les savonneries traditionnelles – n’étant ni chimiste ni savonnier, je ne saurais dire si ce fait a un impact important sur la qualité finale du produit ou sa conservation. Enfin, l’emballage un plastique pour un produit qui ne s’altère pas avec le temps et qui n’est pas du tout fragile, c’est totalement superflu – et à l’encontre de la philosophie du savon de Marseille, qui reste un produit issu de ressources naturelles. Néanmoins, le savon de Marseille olive/coprah d’Emma Noël me semble malgré tout envisageable. Si vous devez n’en choisir qu’un dans la gamme, je vous conseille plutôt le savon vert de Marseille formulé sans huile de palme 300 g.
Briochin
Site : www.lebriochin.com
La marque Briochin, qui joue la carte traditionaliste, est en fait née (ou plutôt a ressuscité) dans les années 1990 (voir cet article intéressant sur le sujet), et Jacques Briochin, le nom qui orne les produits de la gamme, n’a en fait jamais existé. C’est un concept marketing, tout autant que les packagings qui jouent la carte « à l’ancienne », rassurante en ces temps où le retour à la nature et aux produits d’antan est à la mode – pas toujours pour les bonnes raisons d’ailleurs, mais j’y reviendrai dans un autre article. Je n’aime guère ce procédé – ce qui ne m’empêche pas d’apprécier les produits de la marque, par ailleurs fabriqués et conditionnés en France, et faciles à trouver puisque distribués en grandes surfaces (Briochin est une entreprise industrielle, pas artisanale, qu’on se le dise). J’ai notamment acheté leur bicarbonate de soude et leur savon noir liquide, et j’en suis satisfait.
Composition : Sodium olivate, aqua (water), sodium cocoate, sodium chloride, sodium hydroxide.
« Notre savon est composé de 72% d’huiles exclusivement d’origine végétale, dont 70% d’huile d’olive et 30% d’huile de coprah », précise la chef de produits de la marque. Une composition habituelle chez les producteurs traditionnels et donc sans mauvaise surprise !
Fabrication : « Nous ne fabriquons pas nous-même le savon de Marseille, sa fabrication est confiée à un savonnier marseillais qui produit ce savon dans le respect des méthodes traditionnelles de fabrication marseillaises », m’a confié mon interlocutrice. J’ai évidemment demandé quelle était la savonnerie qui produisait ce savon pour la marque Briochin. Réponse qui trahit hélas un manque de transparence à améliorer : « malheureusement, nous ne pouvons pas vous fournir cette information ». Même s’il s’agit très probablement de la savonnerie Fer-à-Cheval ou de la Savonnerie du Midi.
Séchage : Le séchage du savon est réalisé par atomisation.
Origine des ingrédients : « Nous n’utilisons pas de bondillons dans la fabrication de notre savon de Marseille. Les fournisseurs sont validés selon un cahier des charges préétabli, qui prend en compte de nombreux paramètres physico-chimiques, qui sont contrôlés en laboratoire avant de travailler avec un nouveau fournisseur. Un bulletin d’analyse est demandé pour chaque livraison. Toutes les citernes sont échantillonnées et libérées avant dépotage, par contrôle du bulletin d’analyse et de l’aspect de l’échantillon. Des contrôles aléatoires des paramètres des bulletins d’analyse sont réalisés de façon aléatoire pour s’assurer de la fiabilité des résultats annoncés. L’huile d’olive utilisée est de l’huile de grignon d’olive », détaille la chef de produits de Briochin, qui emploie aujourd’hui une quarantaine de salariés et dévoile régulièrement de nouveaux produits, que vous pouvez découvrir sur le site de la marque.
Prix au kg : 16 €. Le seul format disponible est le cube de savon de Marseille de 300 grammes, annoncé à 4,85 € sur le site de Briochin.
LE TEST ET L’AVIS DU CURIONAUTE
Briochin est le seul industriel qui a eu le courage de me faire parvenir l’un de ses savons de Marseille, et je ne peux que saluer la démarche. D’autant que son produit est proche de ceux des savonneries traditionnelles, membres de l’UPSM. Même ingrédients, mêmes proportions, et à priori respect de la méthode traditionnelle. Malheureusement, je n’ai pu obtenir ni l’origine des ingrédients, ni le nom de savonnier qui réalise ce savon pour la marque Briochin. Et que vaut-il, ce savon ? J’ai un avis plutôt positif, en dépit de quelques regrets : d’abord, il est assez tendre et friable, et à ma première tentative d’en couper une tranche, ce sont trois morceaux qui se sont séparés. La faute au séchage ? Ou à l’emballage ? Car il faut savoir que ce dernier est double : un en plastique transparent, qui empêche donc le savon de sécher (contre-productif !), et un second en carton. Un petit livret de conseil est par ailleurs glissé à l’intérieur du carton. Ensuite, il sent assez fort, et son odeur est assez imposante pendant le lavage – sans en être pour autant incommodante. Elle disparaît toutefois au rinçage. Sa mousse, douce et abondante, est très agréable. En revanche, parmi tous les savons testés, c’est celui qui m’a le plus desséché la peau – au point que je vais le réserver au lavage des mains et à la confection des produits ménagers. Je n’aime pas avoir la peau qui tiraille, ni m’enduire de lait/crème hydratante. L’avantage, c’est qu’il décape bien : je suis propre de chez propre ! Sachez enfin qu’il n’existe qu’une seule référence dans la gamme, le cube de savon de Marseille de 300 g.
Les savons de Marseille qui doivent s’améliorer
Rampal Latour
Site : www.rampal-latour.fr
La marque se présente comme « artisan savonnier depuis 1828 ». Un « artisan » dont le savon présenté comme « vert à l’huile d’olive » contient aussi de l’huile de coprah et, encore plus dur à justifier, de l’huile de palme, et qui vient de lancer « un nouveau procédé de fabrication du savon de Marseille, respectueux de la tradition et résolument novateur »… qui consiste tout simplement à conserver dans le savon la glycérine formée au début du processus de fabrication. Une glycérine qui peut avoir un intérêt dermatologique de par sa douceur et son potentiel hydratant, mais qui rend le savon impropre à un usage ménager, et qui, surtout, est absente de la recette originelle. Un savon de Marseille avec de la glycérine (autrement que sous forme de traces) n’est en fait pas un véritable savon de Marseille. Enfin, la marque aurait eu l’occasion de s’expliquer sur sa démarche et sur la composition, la fabrication et l’origine des ingrédients de ses savons de Marseille, mais elle n’a répondu à aucune de mes trois sollicitations (deux via le service consommateur, et une via l’attachée de presse). Impossible donc pour nous de savoir d’où viennent les ingrédients de ses savons – entre autres. A titre d’information, sachez que Rampal Latour, située à Salon-de-Provence comme son concurrent Marius Fabre, emploie 29 collaborateurs, produit 500 tonnes de savon par an et annonce un chiffre d’affaires de 3,6 millions d’euros. La marque précise toutefois « nous garantissons que notre huile de palme provient d’une filière engagée contre la déforestation pour le développement durable ». C’est une démarche louable, mais comme je l’ai évoqué filière RSPO a été mise en place avant tout par et pour les industriels, et elle n’est pas si efficace qu’elle le prétend pour lutter contre la déforestation et la préservation de l’environnement. La solution la plus simple, et la plus respectueuse de la recette originale, c’est encore de se passer d’huile de palme ! C’est d’ailleurs la démarche progressivement engagée par les savonneries membres de l’UPSM. Enfin, Rampal Latour avance « nous sommes les seuls en France à vous proposer un véritable savon de Marseille certifié Ecocert ». C’est en soi une très bonne chose, mais aussi un mensonge puisque Maitre Savon de Marseille ou encore la Corvette proposent eux aussi un savon labellisé Ecocert. Pas très loyal avec les copains, Rampal Latour.
Composition : Sodium Olivate, sodium cocoate, sodium palmate, aqua, glycerin , sodium chloride , sodium hydroxide
Prix au kg : de 9,60 € à 17,3 €.
En résumé, il y a sur le marché des savons de Marseille plus séduisants, moins chers et dont les marques font preuve de plus de transparence et de respect de la recette originelle. Si Rampal Latour n’est évidemment pas à mettre sur le même plan que les industriels les moins scrupuleux de ce guide d’achat, l’entreprise ne parvient toutefois pas à se hisser au niveau des meilleures savonneries traditionnelles de la région.
La Savonnerie Normande
Site : www.lemondesavon.fr
Cette savonnerie, qui comme son nom l’indique n’est pas située en Provence, m’a été vantée par de nombreux lecteurs dans les commentaires de mon premier article sur le savon de Marseille. Pour une bonne raison, puisqu’elle est l’une des rares à produire un savon de Marseille uniquement à base d’huile d’olive. Mais alors, pourquoi ne pas la placer sur le podium ? Tout simplement parce que cette entreprise n’a pas donné suite à mes deux demandes d’informations, et que le seul lecteur qui a réussi à obtenir des informations indique que l’huile d’olive utilisée provient d’une troisième pression et du marché nord-africain. Une origine et une qualité inférieure à ce que propose la concurrence, donc, et qui expliquerait le coût relativement raisonnable de leur savon (de 10,8 € le kg à 13,3 € le kg). Evidemment, je serais ravi d’avoir les informations directement de la part de la savonnerie, mais mes demandes restant lettre morte… En attendant d’en savoir plus, je ne peux décemment pas vous recommander cette savonnerie et ces produits, même si son savon de Marseille respecte à priori tout ce que doit être ce produit (hormis l’origine géographique).
Savonnerie Le Sérail
Site : www.savon-leserail.com
Le Sérail, c’est l’une des plus anciennes savonnerie de Marseille, et l’un des quatre membres de l’UPSM. Mais alors, pourquoi ne pas recommander ses produits ? D’une part parce que, comme vous avez pu le découvrir dans mon premier article sur Le Savon de Marseille, cette savonnerie utilise des procédés que je réprouve : communication floue (elle annonce sobrement un savon « A l’huile d’olive », qui contient malheureusement aussi de l’huile de palme et de l’huile de coprah), absence de transparence, aucun détail sur la composition des savons sur son site internet, paillettes additionnées de tetrasodium… Et pour finir, aucune vente directe aux particuliers via une boutique en ligne, et les informations accessibles sur le site ne le sont que pour les professionnels, à condition de disposer d’un mot de passe… Ce n’est pas répréhensible, évidemment, mais ça n’incite pas d’emblée à la confiance et pour ceux qui n’habitent pas la région, ça complique l’achat.
Enfin, la savonnerie Le Sérail n’a pas répondu à mes deux demandes d’information, et je n’ai donc aucun détail à vous fournir sur l’entreprise, ses produits, et l’origine des ingrédients utilisés. Impossible pour moi de recommander une entreprise qui cultive trop, de mon point de vue, une communication opaque. J’espère que Le Sérail se mettra au diapason de ses confrères de l’UPSM pour proposer un savon sans huile de palme, vendu en ligne et transparent sur sa composition et l’origine des ingrédients utilisés. Cette savonnerie qui fabrique encore son savon de façon traditionnelle et artisanale mérite mieux, dans l’absolu, que d’être reléguée en fond classement dans un guide d’achat sur le savon de Marseille.
Les savons de Marseille à éviter
D’une manière générale, évitez les savons de Marseille à base d’huile de palme (sodium palmate dans la liste INCI des ingrédients), de graisse animale (sodium tallowate), ceux vendus en grandes surfaces (sauf pour ce qui concerne les marques et produits recommandés dans ce guide), encore plus ceux vendus sur les marchés (sauf à pouvoir consulter la composition INCI, et à être informé du nom du producteur et de sa localisation). Evitez également les paillettes et copeaux, toujours à base d’huile de palme et souvent additionnés de conservateurs et composés de synthèse toxiques et polluants. Et par pitié, évitez Lush, cette marque de cosmétiques qui ne fait pas de savon de Marseille mais qui joue faussement la carte du « fait maison » et du naturel, alors que la composition de ses produits est la plupart du temps aussi effrayante que celles des géants de l’industrie cosmétique.
Sinon, dans le détail, voici les savons de Marseille à éviter absolument – le conseil est évidemment argumenté à chaque fois :
Le Petit Marseillais
Le nom évocateur, l’image stylisée du charmant petit bonhomme à l’ancienne, la branche d’olivier : tout y est. On serait tenté de foncer les yeux fermés, pensant que la marque fait honneur à des siècles de respect d’une tradition artisanale. Perdu. Le Petit Marseillais n’a répondu à aucune de mes sollicitations, et pour cause : c’est cynique, mais la marque va jusqu’à publier une page (d’ailleurs réalisée avec soin) qui rappelle l’histoire du vrai savon de Marseille, et enjoint ses clients à se méfier des produits qui ne respectent pas la recette traditionnelle… Et elle n’hésitez pas à appeler son produit « Savon 72% extra pur à l’huile d’olive ». Comment ? Un savon industriel à l’huile d’olive ! Mais par quel miracle ? En fait de miracle, c’est évidemment un abus de langage permis par une réglementation très laxiste, qui permet de mentionner un GROS CARACTERES un ingrédient très minoritaire, tout en évitant de parler des principaux composants, nettement moins flatteurs et recommandables :
Composition : Sodium palmate, aqua, sodium palm kernelate, parfum, glycerin, oleo europaea fruit oil, sodium chloride, sodium hydroxide, linalool, CI 77891.
En résumé : de l’huile de palme et de palmiste, du parfum (oui, du parfum dans un savon de Marseille, bonjour le sacrilège), une goutte d’huile d’olive ajoutée APRES la saponification (sinon elle sera indiquée par « sodium olivate »), histoire de pouvoir mentionner cet ingrédient sur l’emballage juste pour induire le consommateur en erreur, du linalol pour parfumer inutilement (mais sans danger : c’est l’un des composés de de la plupart des huiles essentielles), et du dioxyde de titane pour rendre le produit plus opaque. Ce savon n’a donc rien à voir avec un vrai savon de Marseille, c’est un produit médiocre qui profite d’une réglementation peu contraignante et d’une appellation non protégée. Et je n’ose même pas imaginer d’où viennent les ingrédients… Mais comme vous allez le découvrir, il y a encore pire ! Notez que le savon de Marseille du Petit Marseillais est vendu en grande surface à environ 12 € le kg : c’est plus cher que certains VRAIS savons de Marseille. Comme l’écrivait le brillant dialoguiste Michel Audiard dans le scénario des Tontons Flingueurs, « Les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît ».
Par ailleurs, sachez qu’en dépit de son nom, la marque n’a rien à voir avec Marseille : lancée en 1982, la marque a été rachetée en 1985 par les laboratoires Vendôme, rachetés à leur tour en 2006 par le géant américain Johnson&Johnson. Bye bye Marseille !
Le Chat
Vous avez sous les yeux ce que l’industrie fait de pire, à savoir un produit de piètre qualité qui fait tout ce qu’il peut pour tromper les consommateurs. Le Chat, qui ne recule devant aucun procédé malhonnête, va jusqu’à écrire sur son site internet que ce produit est destiné aux « inconditionnels du savon de Marseille«
Composition : Sodium tallowate, aqua, sodiom cocoate, glycerin, parfum, olea europaea fruit oil, sodium chloride, BHT, benzyl alcohol, geraniol, tetrasodium EDTA, CI 11680, CI 74260.
En voilà une belle liste ! Ça commence avec de la graisse de boeuf (!), ça continue avec de l’eau et un peu d’huile de coprah, du parfum (pour masquer l’odeur de steak ?), une goutte d’huile d’olive (là encore, pour pouvoir indiquer EN GROS cet ingrédient sur l’emballage), de l’hydroxytoluène butylé qui se cache derrière l’acronyme BHT (et qui est un puissant antioxydant toxique, suspecté d’être un perturbateur endocrinien et d’être cancérigène), de l’alcool benzylique (un conservateur, qui serait inutile dans un vrai savon de Marseille), du geraniol (composant de certaines huiles essentielles, il permet de parfumer un produit), du tetrasodium EDTA (utilisé comme stabilisant, ce produit est toxique et non biodégradable. C’est une vraie horreur que Le Chat adore hélas distiller dans ses produits), du colorant jaune et du colorant vert (jamais de colorant dans le vrai savon de Marseille !).
Ce savon est vendu entre 5 € et 6 € le kg en supermarché. Un prix de façade accessible, mais en fait bien trop élevé au regard de sa composition très low cost – certains vrais savons de Marseille sont à peine plus chers, alors que la graisse animale utilisée par Le Chat coûte 10 fois moins cher qu’une banale huile végétale.
Je vous fait la synthèse : Le Chat n’est pas comme son nom l’indique un petit animal mignon qui va câliner votre épiderme, c’est un monstre industriel qui se cache derrière un petit nom tout mignon pour vendre de la cochonnerie (je reste poli, hein), survendue à grand renforts de campagnes publicitaires hors de prix. Son savon de Marseille est une honte, ni plus ni moins. Par ailleurs, je précise même si ce n’est pas une surprise que la marque n’a pas donné suite à mes deux demandes d’information. Sachez enfin que Le Chat, marque créée au 19ème siècle par une savonnerie marseillaise, appartient depuis 1986 à la multinationale d’origine allemande Henkel.
Le Petit Olivier
Je ne connaissais pas cette marque, que j’ai découverte en grande surface au cours de mon enquête. Et je dois dire que je n’ai pas été déçu : tout est fait pour tromper le consommateur ! Le nom, le packaging, les termes utilisés, le discours parfaitement rôdé. Extrait de ce que vous pourrez lire sur l’emballage : « Extra pur. 72 % d’huiles végétales. Le Petit Olivier possède son moulin à huile d’olive traditionnel dans le Sud de la France ». Sauf que le moulin en question, il ne doit pas tourner des masses pour la production de savons, en fait : devinez ce qui constitue avant tout ce piètre savon industriel qui tente de se grimer en produit artisanal ? Suspense… La réponse :
Composition : Sodium palmate, sodium palm kernelate, aqua, olea europaea fruit oil, glycerin, parfum, sodium chloride, tetrasodium EDTA, tetrasodium editronate, silica, CI 77492, CI 77288, CI 77491, CI 77 499, linalool, limonene, geraniol, coumarin, cinnamal.
Donc, dans l’ordre d’apparition des artistes : de l’huile de palme, de l’huile de palmiste, une goutte d’huile d’olive ajoutée après la saponification (et histoire d’avoir le droit d’écrire les mots olive et olivier un peu partout sur l’emballage…), du parfum, du tetrasodium EDTA (vous savez, ce stabilisant très polluant, qui n’a RIEN à faire dans ce type de savon), du tetrasodium editronate (son cousin germain), du colorant jaune, du colorant vert, du colorant rouge, du colorant noir (et là vous vous dites que ce n’est plus un savon, mais un véritable arc-en-ciel), et encore 5 parfums différents, dont deux de synthèse. Je n’ai même pas de mots pour essayer de définir la qualité probable de ce produit, dont le fabricant essaie de masquer l’odeur par un total de six parfums, et pour lequel il juge nécessaire l’intégration de produits de synthèses polluants et potentiellement toxiques. Le tout en faisant croire au consommateur qu’il est un noble producteur d’huile qui chantonne le soir dans la garrigue en allant chercher ses moutons… Sauf que le Petit Olivier appartient à la Phocéenne de Cosmétique, une entreprise créée voici 20 ans par des anciens de l’industrie cosmétique dont le seul but est évidemment d’engranger un maximum de profits en écoulant ses produits pseudo-traditionnels en grandes surfaces (vous en apprendrez plus en lisant cet article paru sur L’Express, en particulier dans le deuxième paragraphe)… Le patron se retranche évidemment derrière l’emploi et la mise à contribution de PME locales pour justifier ses choix industriels. Sûr, c’est mieux de faire travailler la main d’oeuvre locale que d’importer d’Asie des bondillons de savon, mais le mieux est encore de ne pas essayer de tromper le consommateur, et de lui proposer des produits sains et de qualité, qu’ils soient naturels ou synthétiques. Et j’ai gardé le meilleur – ou plutôt le pire – pour la fin : en rayon, ce savon Le Petit Olivier était affiché à plus de 16 € le kg – c’est deux fois plus cher, par exemple, qu’un savon de Marseille Marius Fabre (si l’on se base sur le cube de 600 g). Faites-moi plaisir, évitez cette marque, et tant pis pour « le moulin à huile d’olive traditionnel dans le Sud de la France ». Enfin, méfiez-vous du site internet de la marque, qui ne délivre que la composition très partielle de ses produits, pour ne laisser apparaître que les ingrédients les plus nobles et flatteurs. Et ça, ça m’énerve, oulà que ça m’énerve.
L’Occitane en Provence
Ah, l’Occitane, ses jolies couleurs, ses petites boutiques chatoyantes au sol tapissé de tomettes et aux présentoirs qui mêlent gracieusement métal et bois, ses jolis petits paniers d’osier… Evidemment, la marque fait tout pour cultiver l’aspect artisanal et le côté méridional. Sauf que l’Occitane, née dans les années 1970, n’est plus une petite PME qui produit des cosmétiques naturels et avec une méthode traditionnelle. C’est devenu une multinationale, qui réalise chaque année plus d’un milliard d’euros de chiffres d’affaires et qui possède plus de 2000 boutiques dans le monde. Ça ne me poserait pas de problème si la marque n’était pas la championne du monde de la communication trompeuse. Et de la malhonnêteté, d’abord vis-à-vis de l’Etat français : en 2009, le groupe a créé une holding au Luxembourg pour y rapatrier ses bénéfices afin de ne plus (trop) verser d’impôts en France. Chers consommateurs, L’Occitane veut bien votre argent, mais refuse de cotiser pour les hôpitaux, écoles et routes du pays… Ensuite, parce que les produits n’ont plus grand chose de naturel ou de traditionnel, et démontrent des pratiques industrielles sans aucun respect du client. Exemple avec le savon de Marseille de la marque, baptisé « Bonne Mère » (on avait dit pas les mères, en plus !) :
Composition (recette de base, hors huiles essentielles, variables selon le parfum savon) : Sodium palmate, sodium palm kernelate, aqua, glycerin, sodium citrate, tetrasodium glutamate diacetate, silica, tocopherol, parfum, linalool, CI 77891, CI 77007.
De l’huile de palme et de palmiste, un conservateur (citrate de sodium), un stabilisant bien polluant (tetrasodium), un abrasif (dioxide de silicium), un antioxydant (tocopherol), du parfum de synthèse, du linalol pour ajouter du parfum au parfum, un opacifiant (dioxyde de titane) et du colorant (qui varie en fonction du savon, puisque la marque propose plusieurs variantes). Ce n’est plus un savon, c’est un site industriel sous cellophane. Et ça n’a évidemment rien à voir avec un vrai savon de Marseille, qui n’est pas parfumé, qui n’est pas additionné de tous ces composés (qu’ils soient naturels ou synthétiques) et qui n’a d’ailleurs jamais cette forme. Par ailleurs la marque, qui n’est plus à une contradiction près, a publié une page web où elle rappelle que le savon de Marseille « est composé obligatoirement de 72% d’huile végétale d’olive ainsi que de coprah et de palme ». Ce n’est pas tout à fait vrai, et c’est surtout à l’opposé de ce qu’elle fait, d’autant qu’elle insiste sur le fait que le savon de Marseille doit être « 100% naturel ». Pas dans ses boutiques, en tout cas… Cette même page web fait d’ailleurs la pub d’une savonnerie qui n’en est pas une puisqu’il s’agit de La Licorne, qui se contente à priori de broyer et d’extruder des bondillons – et qui est membre, comme l’Occitane en Provence, de l’AFSM, cette association qui milite pour pouvoir continuer à pervertir la recette originelle du savon de Marseille, et continuer à faire du commerce au mépris de la tradition et des consommateurs. Au motif que cela permettrait de maintenir des emplois, comme le résume cet article de 2015 publié dans la Provence. C’est évidemment du chantage, dans le but premier de maintenir un business qui repose sur une éthique douteuse, et un mépris du client final. Cela dit, même si les producteurs de l’AFSM sont exclus de la future IGP, ils pourront toujours fabriquer du savon – en important notamment des bondillons à l’huile de palme depuis la Malaisie – mais n’auront tout simplement plus le droit d’écrire « de Marseille » dessus. D’autres secteurs sont évidemment, et hélas, confrontés aux mêmes difficultés de définir et d’obtenir une IGP…
Le plus dramatique pour la fin : la marque L’Occitane écrit en toutes lettres sur ses savons « ne pas utiliser chez les enfants de moins de 3 ans ». Vu la quantité de composés potentiellement toxiques, allergènes et polluants, l’idéal serait en fait d’écrire « ne pas utiliser chez l’être humain, ou sur tout être vivant. D’ailleurs, n’achetez pas ce savon. Et si vous l’avez acheté, jetez-le. Ou offrez-le à quelqu’un que vous détestez ».
Enfin, il faut que vous sachiez que, malgré plusieurs tentatives, le service consommateurs ainsi que le service presse de L’Occitane en Provence ont refusé de me répondre. Je ne résiste d’ailleurs pas au plaisir de vous montrer la capture d’écran des deux réponses du service consommateur, afin de montrer à quel point cet entreprise tente par tous les moyens de verrouiller la communication sur ses produits (vu ce qu’ils contiennent, ça se comprend…) :
Prix au kg : 50 €. Oui, vous avez bien lu. L’Occitane affiche à 5 € l’unité ses savons de 100 g, soit 50 € le kg. L’Occitane propose également un cube de 300g non parfumé à 9,50 € (à 31,7 € le kg, c’est moins cher, mais ça s’appelle toujours du vol) ; je n’ai vu ce dernier que sur le site internet, pas en boutiques. Que ce soit à 31 ou à 50 € le kg, ce serait déjà assez cher pour un savon de qualité, mais pour un savon si médiocre, avec des ingrédients de mauvaise qualité à bas coût, c’est une honte, tout simplement. Mon conseil : boycottez la marque, ses magasins et tous ces produits. Nous ne sommes pas des pigeons, il est temps de se manifester contre ces pratiques commerciales et industrielles lamentables.
La Licorne
Qu’est-ce que j’ai pu entendre ou lire sur la Licorne ! Il s’agirait selon certains de la dernière vraie savonnerie artisanale de Marseille, la seule qui propose de vrais savons de Marseille, et d’ailleurs l’une des rares qui proposent encore la visite de ces ateliers. Vu comme ça, on se dit qu’on frôle le miracle. Sauf qu’en fait de miracle, il n’y a que de l’esbroufe, et les savons vendus par cette marque sont malheureusement des attrape-nigauds.
Composition : Sodium olivate, aqua, sodium chloride, glycerin, sodium hydroxide.
Un savon de Marseille qui ne contient que de l’huile d’olive, chouette alors ! Sur le papier, c’est donc l’un des meilleurs savons de Marseille, avec un savon de 100g et un cube de 300g fabriqués uniquement avec de la soude et de l’huile d’olive. Mais d’une part ces deux produits sont noyés parmi des dizaines de savons plus ou moins parfumés (un cube de vrai savon de Marseille n’est JAMAIS parfumé) le plus souvent à base d’huile de palme, additionnés de tetrasodium et de colorants pour la plupart des savons et savonnettes présenté. Et, surtout, ces deux savons « pur olive » ne seraient pas fabriqués sur le vieux port de Marseille mais, vraisemblablement, à des milliers de kilomètres de là…
Fabrication : « Depuis plus de cent ans, nos machines, nos gestes et notre savoir-faire sont restés inchangés, afin d’offrir au monde entier un savon de haute qualité et de grande renommée », peut-on lire sur le site de La Licorne. Le problème, c’est que La Licorne ne fabriquerait pas de savon : elle ne possèderait pas de chaudron, et ne fabriquerait pas de savon avec de l’huile et de la soude. D’après certains commentaires sur internet – qui peuvent être vrais, ou complètement faux, à prendre donc avec des pincettes – elle se contenterait d’acheter des bondillons en Asie. Les bondillons, pour rappel, c’est du savon préfabriqué et livrés le plus souvent en billes ou sous forme de nouilles épaisses, qu’il suffit ensuite de passer au laminoir et de chauffer avant de les extruder et de les mouler sur place. La Licorne ne serait donc pas une savonnerie, mais une entreprise qui se contente de faire du conditionnement – c’est en effet l’impression que donnent les photos et vidéos concernant La Licorne et qui parsèment internet, et notamment Youtube. D’où viennent les bondillons ? La Licorne a refusé de réponse à cette question, que j’ai assénée dans trois emails différents. Serge Bruna, patron de cet établissement, a seulement précisé dans un email très concis que « malgré la pression médiatique qui dénigre l’huile de palme, nous sommes des fervents défenseurs de cette huile qui procure un savon de très bonne qualité ». Pour la qualité du savon, je ne sais pas, mais pour l’environnement et les espèces animales des pays concerné, c’est une catastrophe bien connue… Voilà donc une posture assez égoïste et méprisante. Enfin, sachez que la Licorne fait partie de l’AFSM, l’association de fabricants de savon de Marseille (à ne pas confondre avec l’UPSM !), dont les membres sont essentiellement des savonneries qui dévoient totalement la recette originelle (parfums, colorants, huile de palme…) et des industriels dont le but premier est le maintien des profits, et non la sauvegarde d’une tradition ou d’une produit de qualité destiné au marché local. D’ailleurs, La Licorne explique elle-même sur le site de l’AFSM que « plus d’un savon sur deux qui sort des lignes de production de la Licorne est destiné à l’étranger ». L’AFSM défend la possibilité d’utiliser de la pâte à savon (les bondillons) importée de l’étranger pour se contenter de la mouler en Provence. Enfin, comme le rappelle Le Monde, l’ASFM n’hésite pas à s’opposer violemment à celles et ceux qui tentent de mettre en avant la nécessité d’une réglementation plus rigoureuse et surtout plus respectueuse de la tradition.
Malgré tout, plutôt que de recopier bêtement les avis (qui ne sont donc que des avis, et pas des informations forcément avérées) de certains piochés sur divers sites internet et forums, j’aurais préféré avoir directement la version des faits de l’entreprise elle-même, mais suite à un quatrième email où je tentais d’avoir des précisions sur le fait que La Licorne fabrique elle-même ou pas son savon, j’ai eu droit à « en ce moment, l’ambiance dans le milieu du savon n’est pas sereine nous ne souhaitons donc pas apporter de réponse aux questions que vous nous avez posé ». Vous en déduirez ce que vous voulez. Evidemment, si La Licorne décide de faire preuve de plus de transparence, et me fournit les preuves qu’elle réalise elle-même la saponification de ses savons de Marseille, avec des ingrédients qui ne viennent idéalement pas de l’autre bout du monde, je me ferai un plaisir de mettre à jour cet article. En attendant, je ne peux évidemment pas conseiller ses produits.
Théophile Berton
La marque, qui est l’un des douze membre de l’AFSM (vous vous rappelez ? Ce sont ceux qui veulent continuer à avoir le droit de faire n’importe quoi en écrivant « savon de Marseille sur l’emballage), n’a pas donné suite à mon email de demande d’informations. Ceci dit, ce n’est pas grave, je vais vous faire la synthèse : évitez ses produits. Dans l’absolu, leur composition n’est à priori pas la plus mauvaise qui soit, mais sur le principe, je ne peux cautionner l’attitude de cette cette entreprise, qui est tout simplement malhonnête. Sur son site, elle mentionne la composition de son cube de 300g de savon de Marseille : « SODIUM OLIVATE, AQUA (WATER), GLYCERIN, SODIUM CHLORIDE, SODIUM HYDROXIDE ». En théorie, donc, que de l’huile d’olive. Sauf que dans les commentaires, à un client qui explique, déçu, que « je voulais acheté du vrai savon de Marseille , dommage ce n’en est pas! », l’entreprise répond « L’huile de palme issue de l’agriculture responsable et durable complète l’huile d’olive utilisée afin que celui-ci durcisse. Il faut savoir que l’huile d’olive seule ne se saponifie pas correctement. Donc lorsque l’on essaie de fabriquer un savon de Marseille dur avec 100% huile d’olive et sans additif, celui-ci reste mou ». Deux choses : 1) Alors, comment fait Alepia, et comment les savonniers ont pu réaliser cette prouesse « impossible » pendant cinq siècles ? 2) Coucou la répression des fraudes, j’ai sous le coude une entreprise qui ment sciemment sur la composition de ses produits, et qui continue même quand un client s’en offusque et le lui signale… Quant à savoir où, par qui et avec des ingrédients de quelle origine ce savon est fabriqué, ça restera un mystère. Et à vrai dire, je préfère ne pas savoir.
Et les autres…
D’autres marques qui produisent ou distribuent du savon de Marseille. En voici une liste, et les raisons de leur absence dans le classement ci-dessus :
La maison du savon de Marseille (son site internet) : elle ne fabrique pas elle-même, mais en confie la réalisation à la savonnerie Fer-à-Cheval. Adresse recommandable dans l’absolu, donc, même si le plus logique reste de commander directement auprès de la savonnerie Fer-à-Cheval, d’autant que les tarifs sont similaires. Par ailleurs, la maison du savon de Marseille annonce un « savon 72 % huile d’olive », alors qu’il contient aussi d’autres huiles (à priori palme et coprah, mais je n’ai pas plus de précision puisqu’elle n’a pas daigné répondre à mes deux emails), et elle évite soigneusement de parler d’huile de palme pour son savon « 72 % huiles végétales »… qui n’est pourtant réalisé qu’à base d’huile de palme. En d’autres termes : peut (et doit) faire mieux !
La savonnerie Marseillaise (son site internet) : l’entreprise a répondu à ma sollicitation, mais préfère que je la contacte par téléphone pour m’expliquer son fonctionnement et ses produits, chose que je n’ai pas encore eu le temps de faire. Dans tous les cas c’est potentiellement une bonne adresse puisque comme elle le confie elle-même sur son site, « le cube de savon de Marseille est fabriqué dans l’une des savonneries affiliée à la charte de l’Union des Professionnels du Savon de Marseille (UPSM) ».
Mes petits savons (son site internet) : présente sur son site plusieurs références de savon de Marseille « 72 % huile d’olive ». Potentiellement une bonne adresse, donc… Ou un énième site qui présente ses produits de façon erronée et mensongère. La marque n’est vraisemblablement qu’un revendeur, qui n’a par ailleurs répondu à aucune de mes sollicitations. La plupart de ses produits en ligne sont au logo de la savonnerie Le Sérail, qui fait partie de l’UPSM, mais qui avait aussi tendance à présenter son savon comme « 72 % huile d’olive »… alors qu’il contenait aussi d’autres huiles. Je creuserai quand j’aurai le temps, mais en attendant, je vous conseille de vous fournir ailleurs.
Compagnie du bicarbonate (site internet) : la marque présente sur son site un savon olive/palme/coco qu’elle ne fabrique pas elle-même. Aucune mention de l’origine des ingrédients ni du savonnier auprès duquel la production est sous-traitée. Pas catastrophique en soi, mais vous trouverez mieux sur le marché.
Huilerie Richard (site internet) : Contacté par email, Sébastien Quenard de la Huilerie Richard m’a répondu rapidement et en toute transparence : « Nous sommes revendeurs de savons (…) Nous travaillons depuis de très nombreuses années avec 2 maisons : Le Sérail à Marseille et Rampal Latour à Salon de Provence ». Comme vous l’avez lu, ce ne sont pas deux de mes marques de prédilection, mais ce ne sont pas non plus les moins fréquentables. Vous faites comme vous voulez 😉
Et voilà, c’est tout pour le moment ! Il manque encore une dizaine de marques et de revendeurs à ce guide, je les intégrerai au fur et à mesure, dès que j’aurai un peu de temps libre et suffisamment d’informations à communiquer à leur sujet.
Evidemment, n’hésitez pas encore une fois à utiliser les commentaires pour parler de vos trouvailles, de vos retours sur les marques et produits cités dans ce guide, ou de vos questions sur le savon de Marseille.
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