Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 localisé au Nord-Est d’Honshu, la principale île du Japon, a entraîné un gigantesque tsunami. A certains endroits, les vagues ont culminé à 30 mètres – c’est la hauteur d’un immeuble de 10 étages – et ont pénétré les terres sur 10 km dans les endroits les moins vallonnés. Ce tsunami a entraîné la mort de plus de 18 000 personnes, a causé la disparition de plusieurs milliers d’entre elles, a fait des dizaines de milliers de sans abris, et il a provoqué un incident nucléaire d’ampleur en causant de graves dommages à la centrale de Fukushima Daiichi. Le coeur de trois réacteurs est entré en fusion, un quatrième réacteur a connu un incendie, des rejets radioactifs ont contaminé l’air, la terre et l’océan, et plus de 150 000 personnes habitant dans un périmètre de 20 km autour de la centrale ont du être évacuées. Aujourd’hui, cinq années après ce tragique événement, la nature a peu a peu repris ses droits dans cette zone désertée, même si certains habitants n’ont jamais voulu partir, et que d’autres sont revenus – ceux qui n’habitaient pas dans la zone la plus proche de la centrale, évidemment. Plus de 100 000 habitants n’ont toujours pas pu rejoindre leur foyer à ce jour, et ne le pourront probablement jamais, à cause des taux de radiations trop élevés.
Pour se rendre compte de l’état actuel de la région, le plus impressionnant reste de parcourir virtuellement les villes alentours grâce à Google Streetview. L’expérience permet de mesurer à la fois les dégâts cataclysmiques provoqués par le tsunami, et l’allure à laquelle la nature reconquiert les espace autrefois fortement urbanisés.
Une effrayante promenade virtuelle
dans les environs de Fukushima
Ce que vous voyez ci-dessous n’est pas une image issue d’un film de science fiction, mais l’accès à la petite ville de Futaba, en juillet 2013, à 2 km de la centrale de Fukushima Daiichi. N’hésitez pas à vous balader dans cette ville fantôme en utilisant les flèches…
Les ruines d’Ukedo, quelques kilomètres au Nord, sur la côte. Complètement dévasté par le tsunami, le village a été laissé à l’abandon, il est devenu inhabitable à cause des radiations :
Le village de Kumamachi, au Sud de Futaba, a lui aussi été complètement abandonné. Notez les barrières qui ont été installées pour empêcher l’accès des véhicules aux commerces et habitations (les photos datent de juin 2013) :
Deuxième expérience avec les images réalisées dans la zone d’exclusion par le photographe polonais Arkadiusz Podniesinski. Il les a publiées en septembre 2015 : elles montrent les rues de Futaba désertées (c’est la photo principale qui illustre cet article), les barrages de la zone d’exclusion près de la centrale, le bétail contaminé et au pelage parfois étrangement moucheté, les milliers de sacs remplis de terre contaminée, les bâtiments dévastés et les maisons délaissées. En clair: les conséquences parfois cumulées du séisme, du tsunami et de l’accident nucléaire. Hélas l’endroit est devenu parfait pour tourner une version japonaise de The Walking Dead. Je ne reproduit ici que quelques unes de ses photos, et je vous invite à vous rendre sur son site pour voir les autres images réalisées lors de son périple à Fukushima.
Mais les documents les plus inquiétants sont sûrement ceux qui concernent les conséquences de l’accident nucléaire. Dans quelques décennies, la nature et les hommes auront effacé les traces du tsunami, mais dans la région de Fukushima, la radioactivité sera toujours importante dans plusieurs siècle, et de récentes déclarations de l’exploitant de la centrale confirment qu’il faudra plusieurs décennies pour nettoyer le site. Et ça se voit déjà sur le paysage: zones toujours interdites aux humains, terrains entiers recouverts d’énormes sacs remplis de terre irradiée et de gigantesques futs d’eau contaminée récoltée sur le site de la centrale… Trente ans après Tchernobyl, cet accident nucléaire et les traces qu’il laisse peuvent donner matière à réfléchir sur l’orientation des politiques énergétiques…
Le site Fukushima Diary, par exemple, permet de suivre l’actualité (rarement rassurante) concernant le site, les environs et l’impact actuel de cette catastrophe sur le Japon. Il est rédigé en anglais et en français par un citoyen japonais, Iori Mochizuki, qui conclut laconiquement certains de ses articles par « Vous pouvez lire ceci parce que nous avons survécu jusqu’à aujourd’hui« .
Un autre site, Fukushima Blog, est une source considérable et constamment rafraîchie d’informations en Français : des reportages, des voyages, des articles sur un fond scientifique, des interviews, etc. Le tout constitue une littérature riche et détaillée qui permet de mieux comprendre les conséquences de la catastrophe sur l’environnement, mais aussi sur l’intégralité de la société japonaise.
Un article publié sur le site de CNN (en anglais, donc), montre des photos et parle des travaux de nettoyage et de décontamination de la centrale de Fukushima Daiichi, des travaux qui pourraient durer près de 40 ans ! L’intégralité du site est d’ailleurs en train d’être bétonnée pour éviter que l’eau de ruissellement ne contamine le sous-sol du site : ce bétonnage est visible sur la vue du ciel accessible sur Google Maps, autant que les immenses réservoirs destinés à collecter l’eau contaminée par les fuites radioactives au niveau de la centrale Fukushima Daiichi.
Enfin, comment évoquer Fukushima sans parler de Naoto Matsumura ? Cet habitant de la zone, qui vit à Tomioka (moins de 10 km à vol d’oiseau au Sud de la centrale de Fukushima Daiichi) a refusé d’évacuer les lieux, et il met à profit sa présence sur les lieux pour s’occuper des animaux domestiques et sauvages abandonnés suite à la catastrophe à la centrale de Fukushima. Il voyage aussi à l’étranger pour témoigner, et donner une vision de l’énergie nucléaire qui, vous vous en doutez, ressemble à un avertissement destiné aux générations qui nous succèderons. Soumis à des doses de radiations probablement délirantes, Naoto a tout de même réussi à fonder une nouvelle famille, et il a eu un bébé avec sa nouvelle femme. Plusieurs vidéos intéressantes le concernent, je me contenterai d’en afficher deux ici :
- Un très beau documentaire publié par Vice Japan (sous-titré en anglais, 18 minutes) :
- Les commentaires d’Antonio Pagnotta sur le reportage qu’il a réalisé sur place pour Paris Match :
Cette vidéo, présentée par Tepco (l’opérateur de la centrale, très critiqué depuis l’accident pour ses mensonges et l’opacité de sa communication), montre la centrale juste après l’accident nucléaire, et dévoile les travaux réalisés depuis :
Je vous suggère également de regarder cette brève vidéo, réalisée par l’émission et chaîne Youtube #Datagueule, qui relate ces différents évènements avec de nombreuses données et infographies. C’est synthétique, très bien fait et explicite :
Si vous avez encore un peu de temps et de courage, regardez également ce document édité par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, qui inclut une interview de son directeur général et qui explique en 6 minutes ce que sera « l’après-Fukushima » :
Et une dernière vidéo, qui montre que malheureusement, le Japon n’a pas vraiment retenu la leçon – contraint d’importer une majorité de l’énergie qu’il consomme, le pays s’est résolu a utiliser à nouveau ses centrales nucléaires :
Avant l’accident de Fukushima, le tsunami en images
Quelques vidéos qui rappellent que, même si les vagues initiales ne paraissent pas si hautes (les films consacrés à ce genre de catastrophe nous ont habitués à des vagues qui ressemblent à des murs d’eau de plusieurs étages), la puissance, le volume et la durée du tsunami n’ont laissé aucune chance aux humains et à la plupart de leurs constructions.
A l’aéroport de Sendai :
Des vidéos (accélérées) issues de caméras de surveillance. Très impressionnant, notamment après 1mn30s :
Et pour finir une vidéo qui compile 25 mn d’images tournées pendant le tremblement de terre puis le Tsunami :
Cinq ans après Fukushima, et des décennies après les accidents de Three Mile Island et de Tchernobyl, le nucléaire montre que si cette filière énergétique semble globalement maîtrisée, il suffit d’un enchaînement d’incidents pour provoquer un véritable cataclysme dont les répercussions auront un impact sur des générations entières. A méditer, à l’heure où les énergies éolienne et photovoltaïque deviennent compétitives, et n’engendrent aucun risque de cette envergure !
A bientôt sur Le Curionaute (pour des articles plus joyeux, promis !)