Quand j’étais enfant, je me lavais les mains avec du savon. Aujourd’hui, on remplit un distributeur en verre avec du gel lavant. On alterne les parfums, les marques et les compositions sans trop se poser de questions, mais on pense tout de même être attentifs en veillant à ce que la mention « sans paraben » apparaisse. Vous me direz : pourquoi s’inquiéter, si c’est en vente libre, c’est que ça ne présente pas de danger ? Je vous répondrai qu’année après année, la liste des composés qui s’avèrent finalement dangereux et qui sont finalement interdits (bisphénol A, pour citer un exemple récent) s’allonge. Et qu’il est quand même préférable de savoir ce qui se cache dans les produits industriels de grande consommation, même s’ils sont autorisés.
Ce soir, donc, j’ai à nouveau rempli le distributeur avec du gel lavant. Bon, en fait, ce n’est écrit savon nulle part, à la place figure « gel lavant ». Pas de quoi flipper pour autant. L’emballage mentionne Le Chat, sans paraben, « douceur fruitée à la pêche » (belle promesse !), format économique (on sera bientôt 5 à la maison, alors si on peut faire des économies…).
Et puis je retourne l’emballage, et je tombe sur la liste des ingrédients. J’ai beau avoir l’habitude de décrypter les emballages – en tous cas pour les produits alimentaires – je suis resté comme un idiot à essayer de comprendre la langue utilisée. Un mélange de latin et d’anglais, en fait. Peut-être histoire de vous dissuader de lire (ou pire, d’essayer de comprendre !) ladite liste. Comment aucun parlementaire hexagonal ou européen n’a pu encore penser à faire rédiger une loi qui impose l’usage du Français pour ce genre de détails qui n’en sont pas ? En fait, la loi existe, et elle impose justement de rédiger en anglais et en latin la liste des ingrédients pour les cosmétiques en Europe, aux Etats-Unis, au Japon (etc.) dans le but de repérer plus facilement les allergènes. Officiellement. Parce que moi, je sens surtout qu’on essaie de me dissuader de savoir ce qui peut se cacher dans ce mignon petit berlingo rose rempli de gel lavant.
Les 22 ingrédients du gel lavant Le Chat :
Passé un moment d’effroi, j’ai décidé de faire un décryptage des (nombreux) ingrédients de cet incroyable cocktail de produits synthétiques, qui contient ainsi, par ordre décroissant de quantité :
(J’ai utilisé plusieurs sites pour me renseigner, dont Wikipédia et l’excellent site de l’observatoire des cosmétiques)
– Aqua : de l’eau, jusqu’ici tout va bien.
– Sodium Laureth Sulfate : Laureth sulfate de sodium. C’est un dérivé de l’huile de palme, qui sert d’agent moussant. Oh, les jolies bulles tueuses de forêt indonésienne !
– Sodium Chloride : Chlorure de sodium. Du sel quoi. Dans les cosmétiques, il sert de liant, d’agent de contrôle de la viscosité et d’agent masquant (pour masquer le parfum du produit de base avant qu’on ne lui rajoute du parfum…)
– Disodium Cocoamphodiacetate (celui-là, tu es content quand tu as réussi à l’écrire sans faire de faute) : c’est un dérivé des acides gras issus de l’huile de coco. Il est utile pour une meilleure répartition du produit et une meilleure qualité de la mousse (qui voudrait d’une mousse de mauvaise qualité ?)
– Prunus Persica Fruit Extract : c’est un composé extrait de la pêche (le fruit, le vrai !). Il sert à aromatiser le gel lavant, qui est donc parfumé avec un extrait naturel et pas un arôme de synthèse. Ca, c’est bien !
– Glycerin : la glycérine est un liquide transparent utilisé comme solvant et comme agent hydradant.
– Parfum : sans plus de précision, difficile de savoir si le parfum utilisé est naturel ou synthétique. Il est revanche facile de deviner son rôle…
– Propylène Glycol : c’est un composé issu de l’industrie pétrochimique. Il sert d’humectant anti-moisissure.
– Laureth-2 : Un composé issu de l’industrie chimique, utilisé comme tensioactif (= favorise la répartition du produit quand vous l’appliquez) et comme émulsifiant (pour faciliter le mélange des différents ingrédients qui ne sont pas forcément miscibles)
– PEG-7 Glyceryl Cocoate : c’est une variété de polyéthylène glycol. Il a les mêmes propriétés que l’ingrédient précédent. S’il est ingéré, il a un effet… laxatif !
– PEG-40 Hydrogenated Castor Oil : de l’huile de ricin hydrogénée et éthoxylée. L’huile de ricin est issue d’une plante (chouette !) mais elle a donc subi ici un double traitement chimique (pas chouette !).
– PEG-55 Propylene Glycol Oleate : Une variété de propylène glycol (Cf. ci-dessus). Encore un polymère de synthèse, qui n’a donc rien de naturel.
– Benzophenone-4 : un filtre UV (ultra violet) d’origine synthétique. Utilisé pour protéger le produit (et non vos mains) du rayonnement solaire. Egalement connu sous le nom de sulisobenzone.
– Tetra sodium EDTA : De l’édétate de sodium / Éthylène Diamine Tétra Acétique. Utilisé comme stabilisateur pour éviter la dégradation du produit par des bactéries. Toxique, non biodégradable, impossible à éliminer même dans les stations d’épuration, fixe les métaux lourds et contamine l’eau potable : un vrai cauchemar biologique. Est souvent utilisé en remplacement du paraben (ce dernier est en effet absent de la « recette Le Chat »). Vous préférez la peste ou le choléra ?
– Citric Acid : de l’acide citrique. D’origine naturelle (presque un miracle…), il sert à ajuster le pH du produit.
– Linalool : c’est un alcool issu de la résine. Il permet de masquer l’odeur de base du produit, ou au contraire de le parfumer.
– Amyl Cinnamal : de l’aldéhyde alpha-amylcinnamique. Charmante molécule au nom romantique, qui peut être obtenue par synthèse à partir du benzaldéhyde et d’acétaldéhyde. Même rôle que le linalool. Irritant et allergène – a ce propos, de nombreuses personnes qui utilisent ce gel lavant précisent que leur peau devient sèche et irritée…
– Hexyl Cinnamal : est utilisé pour modifier le parfum du produit. Présent naturellement dans l’huile essentielle de camomille. Allergène.
– Benzyl Alcohol : de l’alcool benzylique. Utilisé comme solvant et conservateur. Il est aussi utilisé pour les revêtements industriels, les décapants à peinture, les teintures pour textile et j’en passe. Ca n’incite pas vraiment à s’en tartiner les mains…
– Citronellol : c’est un composé organique obtenu par distillation des essences de géranium et de citronnelle. Il est utilisé pour masquer l’odeur de base du produit (incroyable le nombre d’agents masquants utilisés pour un bête gel lavant !)
– Sodium Benzoate : le benzoate de sodium est utilisé comme conservateur et… Suspense… comme agent masquant !
– CI 16035 : C’est le charmant petit nom donné par l’industrie cosmétique au colorant rouge.
Conclusion : pas moins de 22 ingrédients, en majorité issus de l’industrie des produits de synthèse, pour formuler un gel utilisé par toute la famille pour sa laver les mains. J’en viens à me demander si le remède n’est pas ici plus néfaste que quelques bactéries stagnantes sur l’épiderme… En tous cas, je pense que je vais me mettre à la recherche d’un savon artisanal bio, naturel, garanti sans cochonneries issues de l’industrie chimique et pétrolière. Et il me parait peu envisageable de passer une heure au supermarché uniquement pour essayer de déchiffrer les étiquette de trois ou quatre gels lavants…
Et vous, elles sont lavées avec quoi vos mains ?
NOTE : l’idée de cet article n’est pas de jeter l’opprobre sur la marque Le Chat. Ou plutôt, pas uniquement sur la marque Le Chat. La plupart des produits cosmétiques vendus en grande surface et en parfumerie contiennent une quantité phénoménale de substances potentiellement dangereuses, même si elles respectent la réglementation. Encore une fois, n’hésitez pas à jeter un oeil sur le site de l’observatoire des cosmétiques.
POST-SCRIPTUM : les gels douche, c’est pas mieux. Pour en savoir plus, je vous invite à regarder ce reportage qui a été diffusé en avril 2014 sur France 5 :
Vous pouvez également lire en ligne l’article de l’un des intervenants interviewés dans le reportage.